jeudi, juin 29

Pensée philosophique et économique (03)

Note: Cette note constitue la dernière partie de l'article. Lire les parties 01 et 02 avant d'aborder celle-ci. Merci pour vos commentaires!

Face à une telle situation où les repères traditionnels sont brouillés, que faire ? Jadis humilié et traité en paria (et pour cause !), l’Etat apparaît à la fois le dernier rempart et le ressort de la renaissance. Il est évident que si rien n’est fait, le capital international s’y emploiera à cœur joie dans sa forme la plus pernicieuse, ôtant tout espoir de développement aux populations.

Avec la mondialisation est née une nouvelle forme de rivalité; la compétition sur les marchés de consommation s’exerce de plus en plus entre les chaînes d’approvisionnement (supply chains) et des alliances de firmes issues de différents pays. Les entreprises de divers pays peuvent s’organiser pour produire et acheminer un groupe de produits sur le même marché de consommation. Cette nouvelle configuration confère à l’Etat, une nouvelle fonction ; celle d’une diplomatie économique au profit des entreprises citoyennes, c'est-à-dire, celles qui soutiennent son plan de développement.

Nous appelons à l’émergence d’un «Etat Promoteur » et stratège, capable de: 1) tracer la trajectoire du changement et donner le cap; 2) mobiliser les ressources humaines et culturelles (car il faut donner une âme au développement, nous ne pouvons pas tous être des citoyens d’un monde unilatéralement défini, mais nous avons le devoir de participer au développement de l’humanité grâce à nos différences positives); 3) créer les conditions d'amélioration de la compétitivité des firmes, particulièrement la PME au sens large (lever les blocages institutionnels, investir dans les infrastructures collectives pour réduire le coût des transactions et améliorer le climat général des affaires); et 4) engager des partenariats équilibrés à géométrie variable. L'implication de la Société Civile dans le processus de définition des stratégies de pays et le monitoring est un prérequis.

Une première dimension de ce partenariat concerne le rôle et la place à accorder à la coopération régionale. La construction des espaces régionaux est inéluctable de manière à cultiver nos complémentarités, développer nos marchés (atteindre la masse critique) et renforcer nos pouvoirs et capaités de négociation.

Une deuxième dimension concerne le choix des partenaires. La coopération Sud-Sud devra être privilégiée.

Une troisième dimension de ce partenariat implique la diplomatie économique et agissante pour à la fois faire valoir la vision, les choix du pays de même que les incitations mises en place pour favoriser les alliances équilibrées et orienter l’investissement étranger (différent des flux spéculatifs) dans les secteurs structurants.

La globalisation peut être positive pour nos économies et le bien être citoyen si à la place du fatalisme, nous adoptons une attitude proactive. Faire que la mondialisation marche pour les pauvres. L'offre publique d'achat (OPA) lancée par Mittal Steel contre Arcelor sonne le glas d'une époque et ouvre la voie à des perspectives nouvelles pour les pays moins développés, sérieux et travailleurs. La mondialisation jusqu’ici a été à sens unique. Le moment est venu d'aller faire le marché chez les pays développés. C'est l'histoire de l'arroseur arrosé.

Pensée philosophique et économique (02)

Note: cette note constitue la partie 02 de l'article. Par conséquent lire la première partie avant d'aborder celle-ci. Merci pour vos commentaires.
Autant la mondialisation est irréversible, autant la circulation des hommes est implacable. Elles ne peuvent guerre être dissociées et toute tentative de blocage n’est qu’un leurre, voire une vue de l’esprit. A une certaine école qui pense que la fin de l’émigration clandestine peut se décréter, il faut tout simplement rappeler qu’aucun mouvement démographique et social ne peut s’inverser du jour au lendemain. On n’arrête pas les eaux de la mer avec les bras.

En réalité, le mode d’organisation de l’économie mondiale n’a guère changé depuis cinq siècles. Certains pays doivent toujours dicter leurs volontés aux autres. Les donneurs d’ordre n’ont pas changé. Ce qui a changé, c’est le contenu de l’ordre. Auparavant, les pays développés allaient faire le marché de la main d’ouvre, forcée dans un premier temps (l’esclave) et néo-forcée dans un deuxième temps (la colonisation et les migrations massives de populations vers l’occident essentiellement) pour la transporter vers les métropoles en mettant à profit la révolution dans le transport maritime de masse.

Aujourd’hui, on assiste à une déconnexion des marchés de production avec les marchés de consommation. Ces deux types de marché couvrent des réalités différentes. Les marchés de consommation se distinguent par le haut niveau des salaires que les gains de productivité, acquis grâce à la matière grise (l’économie immatérielle ou la nouvelle économie) n’arrivent plus à compenser. Les marchés de production se caractérisent par des coûts de production relativement bas et des niveaux de vie précaires. La stratégie du capital international consiste à faire fabriquer à très bas prix dans les marchés de production pour vendre sur les marchés de consommation à haute valeur ajoutée. Les deux piliers de cette stratégie sont les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) et la révolution dans le transport maritime de marchandises. Cela explique pourquoi les multinationales délocalisent leur production dans les pays en développement qui offrent les garanties de sécurité pour les investissements. Ainsi, la traite prend-elle sa vraie dimension: on transporte uniquement la marchandise, non plus les humains.

Pour les pays à main d’œuvre moins chère, l’émigration a été un ascenseur social et continue d’alimenter le rêve de nombreux jeunes. Les revenus engrangés dans les pays occidentaux par les travailleurs migrants permettent de réaliser des investissements importants dans les pays d’origine et d’assurer les besoins de base de la famille désœuvrée. Rappelons que pour certains pays, les transferts de fonds des émigrés représentent chaque année l’équivalent des budgets nationaux.

Seulement, les données ont changé et il faut du recul pour comprendre les nouvelles règles. La volonté des pays développés est d’inverser la tendance. L’internationalisation de la production et des finances exige une mise en valeur de la main d’œuvre dans les marchés de production, c'est-à-dire les pays émetteurs de main d’œuvre à bas prix. L’immigration clandestine, jadis prospère et tolérée d’un coté et encouragée de l’autre, va connaître des jours extrêmement difficiles. Les vannes seront par contre ouvertes en fonction des besoins spécifiques pour faire face au vieillissement de la population ou au désintéressement des nationaux pour certains métiers. Est-ce cela l'immigration choisie?
Lire la partie 03 pour la suite et fin.

mercredi, juin 14

Mission impossible pour la PME africaine

Mission impossible pour la PME africaine est un article en élaboration. Le message clé est que la stratégie de développement telle qu'elle est mise en oeuvre aujourd'hui dans la plupart des pays africains est inopérante tout simplement parce que la vision de la PME est trop restrictive. A l'évidence, le modèle prédispose à une petite croissance face à une demande sociale de plus en plus forte.
Une caractéristique forte du tissu économique dans les pays en voie de développement, c’est que le secteur informel productif représente 90% de la création de richesse dont une bonne partie échappe à la comptabilité nationale. Des études empiriques récentes démontrent que la contribution des PME formelles à la création d’emploi et à la richesse nationale est inférieure à celle du secteur informel qui constitue la source de revenu d’environ 80% de la population, dont les plus pauvres.
En marginalisant le secteur productif non formel (les agriculteurs, les artisans et les petits métiers) , les économies africaines se privent de leur levier le plus important.
Par ailleurs, l'internationalisation de la production et du capital modifie les conditions de la concurrence. Les rivalités sur les marchés se déroulent désormais entre des entreprises de nationalités diverses qui s'organisent autour des fonctions d'approvisionnement, de production et de distribution, l'objectif commun étant d'offrir un groupe de produits sur les marchés de consommation à des prix très compétitifis.
Face à une telle situation, la PME prise individuellement est désemparée et impuissante. Le secteur productif non formel est de plus en plus exclu et n'a aucune chance de participer de manière équitable à l'économie mondiale. Le salut viendrait alors d'un "Etat Promoteur" ayant pour missions: 1) de faire les grands choix et de déterminer la trajectoire du changement ou de transformation de l'économie; 2) de créer un environnement favorable et une incitation forte à l'investissement privé et à l'inclusion du secteur informel, 3) de mobiliser des ressources spécifiques pour la fois financer les micro, petites et moyennes entreprises et renforcer leur capacité dans les secteurs structurants de l'économie, et 4) d'engager des partenariats agissants de soutien à la politique de développement. La Société Civile devra être fortement impliquée dans le processus de définition et de suivi des stratégies de pays. Une approche régionale est à priviligier.
Lire les 5 premières parties de l'article (voir le repertoire des contenus) en attendant la suite.
Merci pour vos commentaires et contributions. Vous pouvez les déposer directement en bas de l'article ou me les envoyer par email (voir dans la colonne à droite de la page).

mardi, juin 6

Pensée philosophique et économique (1)

L’individu, c’est l’expression d’une recherche constante d’harmonie entre l’esprit et le corps (ou la matière) d’une part, et entre la pensée et la réalité d’autre part, car le dédoublement et la sublimation sont le propre de « l’homo sapiens ». L’ego se forge au fil des années et des expériences. Il constitue son système de repérage ou sa grille de lecture de la matière.

L’individu, c’est aussi la gestion d’un conflit permanent entre le bien et le mal dans ses rapports avec les autres, car la morale ne se définit ou ne s’apprécie que par rapport aux autres.

L’homme n’a pas la tutelle de la mesure, car il est constamment écartelé entre son ego et la morale, le pouvoir et la justice. Les institutions deviennent ainsi le champ d’expression de la volonté commune et l’arbitre entre l’expression individuelle et collective. Elles tirent leur légitimité de la participation massive des citoyens.

La raison d’être de l’Etat est de créer les conditions pour l’expression individuelle et collective des citoyens et pour le bon fonctionnement des institutions afin que celles-ci soient des institutions citoyennes, c'est à dire au service des citoyens. La participation des citoyens est à ce prix.

Ainsi se définie la trilogie republicaine: l'individu, les institutions et l'Etat.

Toute forme d’exercice du pouvoir en dehors des institutions légitimes, ou toute forme de détournement des institutions au bénéfice de groupes organisés et au détriment des talents individuels conduit inévitablement à des dérives autoritaires. Il en va de même pour les formes d’organisation qui de par leur taille et leur présence internationale mettent en cause les équilibres nationaux.

L’internationalisation de la production et des finances a profondément bouleversé le mode de gestion de la cité et remis en cause la souveraineté des nations. Les frontières sont devenues virtuelles. Le capital international exerce une influence considérable sur les institutions, l’Etat et la vie citoyenne. Les bouleversements sont si sévères qu’ils résultent de deux visions fondamentalement antagonistes : la logique rentière qui privilégie le profit et le développement durable qui met l’homme au centre de toutes actions.

La crise des dragons du Sud Est asiatique des années 90 démontre à suffisance que le capital international est capable du bien comme du mal. Les avancées industrielles réalisées par ces pays grâce au flux de capitaux étrangers ont été douloureusement sacrifiées lorsque les pays de la région ont été contraints de dévaluer leur monnaie. Pour les pays occidentaux, la crise est le résultat de la mauvaise gouvernance. Les dirigeants des pays de l’Asie du Sud Est soutiennent encore aujourd’hui qu’ils ont tout simplement été punis pour s’être montré récalcitrants aux injonctions d’ouverture de leur marché.

L’enjeu pour nous, c’est d’abord de comprendre que le capital international est un mal nécessaire, ensuite de faire des choix en prenant en compte la logique des marchés, et enfin de savoir orienter les investissements afin de transformer la menace en opportunité de développement pour nos institutions, nos économies nationale et régionale et le bien être citoyen.

Lire Pensée philosophique et économique (2) pour la suite. D'ores et déjà, merci pour vos commentaires et contributions.