samedi, mai 16

Financement des PME en Afrique de l'Ouest: les lignes vont bouger.

Je voudrais commencer par donner quelques indicateurs pour illustrer la situation de l'accès aux services financiers dans la région ouest africaine:

1. En Afrique de l'Ouest, le taux de bancarisation dépasse à peine 10%. Dans les pays émergents d'Afrique (Tunisie, Afrique du Sud, Botswana, Namibie), il atteint 60%.

2. En 2007, le volume des crédits accordés par le secteur bancaire au Sénégal, qui demeure la principale source de financement des entreprises après les crédits interentreprises, se monte à 1 300 milliards de FCFA. Ce volume correspond à moins de 20% du PIB contre 65% pour la Tunisie. Le commerce absorbe au moins 50% de ce volume.

3. La contribution des PME dans le PIB est estimée à 33%. Cependant, les PME ne recoivent que 15% des financements bancaires, soit environ 200 milliards contre un besoin estimé à 765 milliards de FCFA.

4. A fin 2007, Le volume de concours accordés par les banques au Sénégal ne représente que le double des crédits accordés par les Systèmes financiers décentralisés (SFD) aux PME, soit environ 200 milliards de FCFA contre 100 milliards de FCFA. Les SFD sont très actifs dans le financement des petites entreprises qui, pour l'essentiel opèrent dans le secteur dit informel.

4. Au moins 50% des crédits accordés sont de nature courte. Les crédits long terme sont faibles et représentent 5% des crédits à la clientèle.

5. Le nombre de cartes bancaires en circulation dans la zone UMOA est estimé à 150 000 comparé à 2,5 millions pour le Maroc et 1 million pour la Tunisie.

Ces indicateurs confirment les préoccupations regulièrement exprimées par les entrepreneurs qui identifient l'accès au financement et le coût du crédit comme les contriantes majeures au développement et à la compétitivité des PME de la région.

Plusieurs causes expliquent pourquoi le secteur bancaire n'arrive pas à apporter une réponse adéquate aux besoins des entreprises, les PME en particulier. Parmi elles, on peut citer:

. l'environnement des affaires peu favorable à la production de crédits en faveur des PME (système judiciaire, système foncier, cadre réglementaire inadapté qui favorise la prégnance du secteur informel, etc);
. Coût élevé des transactions et faible productivité des facteurs et en définitve, faible rentabilité des activités;
. Une réglementation bancaire jugée trop contrainte pour les crédits à la PME (régles prudentielles);
. Une faible mobilisation de l'épargne locale et régionale;
. La perception de haut risque attachée aux PME , sans que l'on soit réellement en mesure de faire la part entre la méconnaissance des PME par le secteur bancaire et l'asymétrie de l'information (absence d'états financiers et de plan de développement, incapacité à lier les crédits à leurs objets et à les suivre, marché atomisé et non organisé, etc.) qui poussent les banques à resserrer les crédits et à prendre une position de prudence.

Cependant, deux évenements semblent préciter les choses: le relèvement du capital minimum des banques (passent de 1 milliard à 10 milliards de FCFA) et surtout l'arrivée sur le marché des grandes banques dotées de moyens plus importants et de savoir-faire avéré dans le financement des PME.

Ainsi, assiste-t-on à deux mouvements convergents: la ruée des banques nigériannes (UBA, Diamond Bank, Access Bank) et le déploiement impressionnant des banques du Maghreb (Attijariwafa Bank et BMCE) qui ont déjà abordés trois autres banques de la place de Dakar. Ces banques en croissade cherchent à valoriser leurs fonds propres qui dépassent 125 millions d'Euros (capital minimum requis pour les banques au Maroc et au Nigeria, soit 10 fois la taille requise des banques dans la zone UMOA).

Tout porte à croire que ce "couplage" va créer une incitation supplémentaire dans le marché et que les lignes vont bouger pour le salut de la PME dans la région. Le mouvement pourrait ête accéléré par un assouplissement des mesures réglementaires encadrant le crédit aux PME, notamment les mesures de pondération des risques PME.

Aussi, tirant les leçons de la recente crise, nous devons comprendre que le marché à lui seul ne suffit pas à donner les impulsions justes pour un développement équitable et équilibré intégrant les petits producteurs/opérateurs dans l'economie. L'Etat et les partenaires techniques doivent anticiper et prendre les mesures idoines qui s'imposent maintenant afin de favoriser un développement durable du secteur privé, moteur de la croissance. Ces mesures sont déjà identifiées et connues des décideurs: amélioration de l'environnement des affaires, développement des entreprises et des marchés: appui à l'amélioration de la compétitivité des entreprises dans les filières structurantes, l'agriculture et les énergies en premier, le développement des marchés intérieurs et régionaux, l'investissement dans les infrastructures collectives (public goods), l'innovation et les compétences distinctives défendables (actifs intangibles), l'appui à la diverfication du marché financier et la publication régulière d'informations sur le secteur des PME.

Il est anticipé que les banques répondront favorablement en mobilisant le savoir-faire nécessaire pour une plus grande mobilisation de l'épargne et le développement d'une offre de produits et services compétitifs dans des conditions de risques et de rentabilité améliorées.