vendredi, août 28

Les Agro-entrepreneurs

Ces cinq dernières années, j'ai axé l'essentiel de mes travaux sur le financement des chaînes d'approvisionnement/de valeur, plus particulièrement l'agriculture. La chaîne de valeur est un concept relativement nouveau qui permet d'approcher les questions de développement de manière sélective, mais globale contrairement à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Elle se définit comme la séquence organisée des différentes activités qui concourent à produire un bien ou un groupe de biens ou de service, depuis la matière première jusqu'au marché de consommation. En agriculture, on dit généralement "de la fourche à la fourchette". Elle prend également en compte les relations de collaboration indispensables entre les divers acteurs (petits et grands), le partage des ressources comme l'information, la technologie, le partage des risques et s'appuie sur un modèle économique qui permet à la filière d'être compétitive sur le marché de manière durable.

Une des difficultés auxquelles j'ai été confrontées réside dans la compréhension que la majorité des acteurs se font du secteur privé agricole, ce que j'appelle les agro-entrepreneurs. D'abord pour beaucoup, l'agriculture se limite aux producteurs, notamment les petits producteurs qui en constituent la frange la plus importante. Ensuite, vu que l'agriculture fait l'objet de plusieurs subventions (intrants, bonification de taux d'intérêt et garantie, etc.), plusieurs acteurs la considèrent comme le domaine réservé des états. Finalement, vu que le secteur est sinistré et qu'il recueille l'essentiel des populations vulnérables, le pouvoir public en a fait un sujet social. En effet, il n'est pas rare de voir dans l'attelage des gouvernements en Afrique, un ministère chargé à la fois de l'agriculture et du développement social.

Autant des paradigmes qui constituent des freins à la réflexion et aux propositions pour améliorer l'accès au financement et aux services bancaires pour les gro-entrepreneurs. J'ai tenté de dégrossir la problématique du secteur privé agricole à travers le tableau ci-après. Trois choses me semblent urgentes: 1) comprendre que les petits producteurs sont aussi des entrepreneurs; 2) que le secteur comprend d'autres acteurs aussi importants que les producteurs; et 3) pour attirer des flux financiers plus importants, l'agriculture doit nécessairement dépasser le cadre social pour faire une proposition de valeur commercialement viable. En d'autres termes, faire que investir dans l'agriculture soit durablement rentable. Cela passe nécessaire par un partenariat fécond entre le secteur public et le secteur privé. La Politique Agricole de la CEDEAO (ECOWAP) et le Programme Régional d'Investissement Agricole (PRIA) en cours de préparation en ont fait des principes qui vont fonder les stratégies de mise en oeuvre.

L'Afrique dispose d'énormes potentialités pour relever le défi de la famine et du développement basé sur son agriculture. Selon l'IFPRI (International Food Policy Reseach Institute), les opportunités sur les marchés domestiques et régionaux seraient de loin plus importantes que sur les marchés traditionnels d'exportation. Alors que la demande extérieure en matières premières et produits d'exportation de haute valeur devrait respectivement passer de 8 et 3 milliards de US dollars en 2000 à sensiblement 10 milliards pour chacun des sous secteurs en 2030, il est attendu que la demande sur les marchés locaux et régionaux à travers l'Afrique connaisse un bond de 50 à 150 milliards de US dollars au cours de la même période.

Il n'y a point de vent favorable pour celui qui ne connait pas son port ou sa direction. L'heure n'est plus aux tergiversations. Les orientations et les directions sont claires. Allons-y avec application, perséverance et constance. Les résultats doivent être au RDV pour faire de l'Afrique, le prochain pôle de croissance.