vendredi, octobre 15

La norme ISO 26000

Publiée depuis le 1er novembre dernier, la Norme ISO 26000 est relative à la responsabilité sociétale des organisations. Deux petites clarifications pour mieux comprendre la suite.


Qu'est-ce que c'est qu'une norme ou un standard? La normalisation ou la standardisation est le fait d'établir respectivement des normes et standards industriels ou encore un référentiel commun et documenté destiné à harmoniser l'activité d'un secteur. Certains parlent de charte. Par exemple, la charte sanitaire des couvoirs pour le secteur de la volaille. Les normes souvent réalisées par des organismes spécialisés d'Etat ou des organisations créées par les professionnels d'un secteur d'activité donné sont utilisées pour simplifier les relations contractuelles et commerciales et servent à protéger le public ou précisément les utilisateurs ou les consommateurs de biens et services dans une économie de plus en plus mondialisée.

Qu'est-ce que c'est que l'ISO? Les organismes de normalisation sont nombreux. ISO (International Organization for Standardization ou en français, Organisation Internationale de Normalisation) est le plus important organisme de normalisation au monde. A ce jour, l'institution compte à son actif environ 18 300 normes destinées aux entreprises, aux gouvernements et à la société dans son ensemble. Les normes ISO les plus connues dans notre paysage économique sont celles ayant trait à la qualité (9000 à 9099) que l'on retrouve souvent sur les affiches de communication des firmes.

La 33e Assemblée Générale de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) s'est réunie à Oslo (Norvège) du 13 au 18 septembre 2010, en présence de 98 comités membres nationaux et de plus de 127 pays représentés. A l'occasion de cette Assemblée Générale, les délégués ont voté à plus de 93%, en faveur de l'adoption du projet de Norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale.

La Norme ISO 26000 présente des lignes directrices pour tout type d'organisation cherchant à assurer la responsabilité des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l'environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui:

  • contribue au développement durable, y compris la santé et le bien-être de la société

  • prend en compte les attentes des parties prenantes

  • respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales

  • est intégré dans l'ensemble de l'organisation et est mis en oeuvre dans ses relations internes et externes à l'organisation.

De ce point de vue, cette norme vient combler un vide et renforce la gouvernance des organisations surtout internationales qui, de par leur puissance financière et commerciale, échappent au contrôle des gouvernements. La crise financière récente est passée par là!

Un exemple plus préoccupant et proche de nous est celui des opérateurs de téléphonie mobile qui installent des antennes-relais à tour de bras et de manière anarchique sans tenir compte des effets de leurs décisions sur la santé et le bien-être des populations. A quand les premières certifications ISO 26000 des opérateurs de téléphonie mobile?

Pour l'organisation de certification, l'élaboration de la norme ISO 26000 pose un défi de taille, celui de sa capacité à développer les compétences requises pour pouvoir trancher sur des questions épineuses pour lesquelles le consensus n'est pas acquis, comme celle des dangers que font peser les émissions "types Téléphonie Mobile", c'est à dire le téléphone portable, les antennes relais GSM, l'UMTS ou 3GSM, les ondes Wifi, le Wimax, le Bluetooth, le téléphone sans fil, etc. sur la santé des populations.


dimanche, octobre 3

Le Partenariat Public Privé et son utilité pour la croissance

Une simple recherche sur Google à partir des mots clés "Partenariat Public Privé" fait apparaître le concept 53 millions de fois en 0,24 secondes. Cela donne une idée de l'intérêt que suscite le concept dans la littérature contemporaine. Qu'est-ce que c'est et quelle est son utilité pour le développement et la croissance de nos économies?

Le Partenariat Public Privé (PPP) se définit comme toute activité ou projet entrepris de manière conjointe par un acteur public (l'Etat, le partenaire technique et financier pour le compte de l'Etat ou la collectivité publique) et un acteur privé (une association professionnelle, une société privée - grande, moyenne ou petite - une fondation, un institut, une Organisation Non-Gouvernementale (ONG), etc.) dans le but de fournir un service ou un produit jugé critique aux autres membres d'une communauté ou d'une chaîne de valeur économique. Le secteur public apporte les ressources dont il a la maîtrise et susceptibles de réduire les risques liés à l'activité ou au projet en vue (par exemple, les infrastructures, le terrain, les services de vulgarisation agricole, la garantie financière, etc.) et l'acteur privé, le savoir faire, l'efficacité, la créativité, l'innovation (par exemple, un processus de fabrication, un réseau de distribution, l'expertise, l'accès au financement et au marché, la capacité de mobilisation de ressources, etc.) qui le caractérisent de manière à être compétitif sur les marchés. Il est attendu que le secteur privé prendra le relais pour inscrire l'activité ou le projet dans la durée, l'acteur public jouant simplement le rôle de catalyseur.

L'approche est innovante (basée sur une division des tâches et un partage des risques) et inclusive car elle reconnaît à chaque acteur des atouts spécifiques et les valorise pour assurer des performances supérieures tout en veillant à une répartition optimale des risques entre secteur public et privé, chacun supportant le risque qu'il maîtrise le mieux. C'est donc un instrument qui met en orchestre les leviers essentiels de la compétitivité et de la durabilité: avantages concurrentiels, efficacité, performances supérieures, maîtrise de risques.

Apparu dans les années 90 en Angleterre, cet instrument a permis au gouvernement britannique de confier à des entreprises privées, la mission globale de construire, de maintenir et de gérer des ouvrages et des équipements publics et services concourant aux missions de service public de l'administration. Les avantages sont mutuellement bénéfiques (gagnant-gagnant): la collectivité publique reçoit des services jugés critiques et qui faisaient défaut, les entreprises font des profits, ce qui leur permet de faire des investissements nouveaux et durables.

Depuis, il a pris plusieurs formes en fonction des pays, des secteurs d'activités et des contingences. Dans l'agriculture, on peut envisager les modèles suivants:

  • l'accès au marché: l'état ou la collectivité locale peut aider une firme leader dans la distribution ou la transformation de produits locaux à améliorer la qualité de son produit, à étendre son réseau de distribution dans la région par exemple à condition que cette firme garantisse l'accès au marché pour les petits producteurs pris en otage par les intermédiaires.
  • l'accès aux intrants: l'état ou la collectivité locale peut collaborer avec une association professionnelle ou un groupement ou une firme leader à assurer son approvisionnement régulier en matière première en mettant le partenaire privé en relation avec des groupes de producteurs et en prenant en charge les frais de formation des petits producteurs afin qu'ils adhèrent au cahier de charges du produit et respectent les engagements contractuels. La firme participerait à la mise en place de mécanismes d'accès aux intrants et au financement pour les petits producteurs à travers leurs associations.
  • l'accès au financement: l'état ou la collectivité locale peut collaborer avec les institutions financières par la mise en place ou la prise en charge partielle d'une assistance technique résidente (2 à 3 ans) visant à aider les institutions à développer des produits spécifiques de financement des chaînes de valeurs agricoles jugées critiques pour la sécurité alimentaire des populations (le bétail, la volaille, le riz, le mil, le sorgho, le maïs, les fruits et légumes, le fonio, les tubercules, etc.).
  • l'accès aux systèmes de qualité et de marché au plan régional: la création d'une bourse céréalière régionale en partenariat avec le secteur privé en est une parfaite illustration.

On peut aussi citer des modèles pour l'accès aux semences améliorées (avec les instituts de recherche), à l'information de marché (avec les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d'applications), aux infrastructures de marché et de conservation, aux équipements, etc.

La force du PPP réside dans le fait qu'il n'y a pas de modèles préétablis qui s'appliqueraient à toutes les circonstances. L'instrument fait énormément appel au jugement, à la créativité et aux engagements des acteurs. C'est pour cela qu'il est passionnant. C'est aussi pour cela que je m'intéresse.

Les autres facteurs de succès sont une bonne maîtrise de l'approche chaîne de valeur et des stratégies de marché, de même que la capacité à concilier des intérêts jadis jugés antagoniques: le profit et le développement durable.

lundi, août 16

Nouvelle cartographie de la richesse mondiale

Selon l'OCDE, "le poids économique agrégé des pays en développement et des pays émergents est sur le point de dépasser celui de l'ensemble des pays développés". En 2030, les pays émergents et en voie de développement représenteront plus de 60% du PIB mondial, confirmant ainsi un basculement des rapports économiques Nord/Sud au profit des pays du Sud, jadis non alignés. Les pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil constituent les moteurs du changement, mais sont-ils pour autant les locomotives?

Le rapport semble indiquer que les bonnes performances de la Chine et de l'Inde ont eu un retentissement significatif sur le reste du monde en développement. Il aurait fallu seulement un peu plus de 30 ans pour faire basculer la situation. En 2000, les pays en voie de développement - le terme consacré - ne comptaient que pour 40% dans la création de la richesse mondiale.

En effet, les pays émergents ont des impacts majeurs sur le commerce mondial et la configuration des investissements, créant ainsi des opportunitées nouvelles pour les pays non émergents. Il est évident que seuls ceux qui auront perçu le changement et fait preuve d'anticipation en mettant en oeuvre des stratégies hardies de captation et de valorisation des ressources nouvelles tireront le meilleur profit pour la prospérité de leur économie et de leur population. Les "liens sud-sud", commerciaux, d'aide au développement et d'investissement, sont une source de savoir et de financement de plus en plus importante pour le développement. Pour réaliser des investissements dans nos pays afin de soutenir la croissance et des emplois durables, les options sont aujourd'hui possibles. En d'autres termes, les décideurs ont le choix, ce qui n'était pas le cas, il y a une vingtaine d'années.

La nouvelle cartographie présente aussi l'avantage de préciser le cadre conceptuel et d'analyse. Désormais, on parle de pays développés, de pays émergents et de pays non émergents.

Lire le texte complet:
http://www.oecd.org/document/14/0,3343,fr_2649_33959_45469838_1_1_1_1,00.html

lundi, juin 7

Et si le label de qualité était le sésame

Une question que les développeurs se posent souvent en phase de formulation d'un nouveau programme est par quel bout prendre pour générer des résultats faciles susceptibles d'enclencher la dynamique de succès. Les anglo-saxons appellent ceci le « low hanging fruit » ou le « quick win».


Et si le label de qualité était le sésame ! Actif immatériel, le label de qualité est une proposition de valeur pour le consommateur. Il atteste qu'un produit possède un ensemble de caractéristiques spécifiques établissant un niveau de qualité supérieure à celle d'un produit courant similaire. Il n'a de valeur effective que de par son effectivité ou sa capacité à cristalliser et à satisfaire les attentes du consommateur qui décide de le plébisciter.


Les expériences que nous avons connues dans la région au plan de l'agriculture tendent à en faire un bien public, c'est à dire relevant plus des affaires de l'Etat. Son développement et sa promotion requièrent des moyens qui souvent ne sont pas à la portée des petites entreprises qui le valorisent peu et préfèrent investir dans les valeurs tangibles (machines, équipement, bâtiment, etc.). L'expérience de Madagascar nous invite cependant à une remise en cause de cette approche et démontre que le secteur privé peut valablement investir dans le label pour être plus compétitif sur les marchés et faciliter sur une base commerciale, l'accès durable des petits producteurs dans l'économie formelle et l'amélioration de leur bien-être.


La société privée d'exportation de produits agricoles de Madagascar Faty Export a mis au point et expérimenté dans ses propres exploitations de litchi et d'oignon en 2008 un Référentiel de Développement sous l'appellation Hygiène, Organisation, Restauration de l'Environnement et de Biodiversité (Horeb). Ce référentiel fondé sur une démarche qualité s'appuie sur une analyse des risques, depuis la production jusqu'à la commercialisation et assure la traçabilité des produits selon les exigences des marchés, surtout au niveau régional et international. Pour le litchi par exemple (produit d'exportation de Madagascar), il commence depuis les pieds de litchis, en passant par la cueillette des fruits, le transport et la manutention, la réception et le traitement - conditionnement des fruits.


Le label Horeb est basé sur des indicateurs qui s'articulent autour du Commerce Equitable et Durable, notamment l'amélioration du revenu des agriculteurs et leur bien-être (santé, hygiène, mortalité, etc.), l'augmentation des arbres mis en terre dans le cadre du reboisement et la diminution des arbres abattus, l'accroissement de la demande de produits sous le référentiel Horeb, la hausse des produits aux normes sur le marché local et international.


Grâce au soutien des partenaires techniques et financiers, la société a engagé des actions de promotion du label Horeb à travers la participation aux foires et missions économiques. De son côté, la société a engagé une campagne de sensibilisation en direction des producteurs locaux sur des filières spécifiques et aussi en direction des consommateurs afin de consommer les produits labélisés Horeb.


Le résultat a été immédiat. Le processus a radicalement changé le comportement de tous les acteurs en matière d'hygiène, de sécurité sanitaire et de protection de l'environnement et même de collaboration entre les divers acteurs. Au cours des deux années précédant la mise en place du label, le litchi malgache était classé dans la catégorie du tout venant dans les pays voisins. Les fruits n'étaient pas calibrés et leurs couleurs n'étaient pas identiques. De ce fait, le prix du litchi malgache se vendait très en-dessous de celui de l'Afrique du Sud, soit 50 centimes au lieu d'un euro le kilo. De plus, 5 à 10% du volume exporté était rejeté. Sous l'appellation Horeb, les prix se sont envolés atteignant les niveaux de 3,0 euros le kilo pour les primeurs. De même, l'exportation de l'oignon jadis inexistante a pris de l'envol. Faly Export exporte aujourd'hui vers les Iles Maurice et de la Réunion, l'Afrique du Sud et les Emirats Arabes Unis. Trois entreprises d'importation mauriciennes ont fait confiance à ce référentiel et ont signé des contrats commerciaux de 3.000 tonnes d'oignons avec Faly Export.


Un protocole de production et un accord de partage des bénéfices lient Horeb aux paysans travaillant sous le label. Export Faly s'est engagé à acheter toute leur production. En plus, les paysans qui respectent l'itinéraire technique Horeb peuvent exporter directement sur le marché mauricien, ce qui n'était pas envisageable quelques années plus tôt. L'autre incitation est venue de semences. Grâce à l'aide des partenaires techniques et financiers, la société a acquis des semences améliorées susceptibles d'accroître les rendements et de réduire les pertes après récolte, ce qui en dernier ressort se traduit par une augmentation de revenu pour les petits paysans.


Belle illustration de partenariat public privé (PPP) pour le développement du secteur privé, l'intégration des petits producteurs à l'économie formelle et la prise en charge des problèmes brûlants de sécurité sanitaire des aliments. Un tel projet requiert au préalable la mise en place d'un organisme d'homologation qui généralement manque dans le paysage de l'économie agricole dans notre région.



jeudi, avril 15

L'Afrique milliardaire

L'Afrique traverse le processus de peuplement et d'urbanisation le plus fulgurant de l'histoire de l'humanité. Selon les estimations médianes des Nations unies, l'Afrique au Sud du Sahara gagnera un milliard d'habitants au cours de ces quatre prochaines décennies. Elle sera peuplée de 1,8 milliards d'habitants en 2050, et représentera alors 19% de la population du globe. L'hypothèse de l'organisation des nations unies (O.N.U.) repose essentiellement sur une fécondité forte : 6,5 enfants par femme en moyenne en 1990 à 3,5 en 2025. Fondé par conséquent sur l'hypothèse d'une croissance démographique de 2,8 % en moyenne par an pendant 35 ans, le 1/4 de l'accroissement de la population dans le monde sera africain : soit 800 millions de personnes entre 1990 et 2025 et environ 1,8 milliards en 2050.

Quels impacts cette vigueur démographique aura-t-elle sur les trajectoires économique, sociale et politique de l'Afrique aujourd'hui économiquement marginalisée?

C'est le thème d'un débat lancé par l'Agence Française de Développement (AFD) à l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines.

C'est une problématique qui ne peut que susciter notre intérêt. L'évolution démographique est aujourd'hui encore présentée comme un frein au développement de l'Afrique. A travers le même paradigme, les analyses économiques jusqu`à recemment ont présenté la taille de la population en Asie comme la source principale de la pauvreté et de la vulnérabilité des populations.

A l'évidence, ce que nous observons aujourd'hui est aux antipodes de ce qui est annoncé. L'Asie affiche un dynamisme économique sans pareil dans le monde. Le moment semble-t-il est venu de jeter un autre regard sur nos milliards d'habitants qui peuvent constituer de vrais gisements de croissance si nous savons nous y prendre.

Au premier rang des challenges, se trouve la question de la sécurité alimentaire et du rôle que l'agriculture, en particulier le secteur privé (voir l'article sur le secteur privé agricole) doit jouer pour la transformation économique et sociale de l'Afrique sub-saharienne.