vendredi, décembre 14

Où Investir en Afrique en 2019? 7 Secteurs surs et rentables





J'ai trouvé ce contenu très informatif et utile pour la conscience des jeunes de la diaspora qui voudraient investir en Afrique. Ce qui est inouï, c'est que l'auteur propose des solutions pratiques. 



Je viens de terminer une étude de marché pour une institution financière en Afrique de l'Ouest qui voudrait définir une offre spécifique pour le segment des PME. Curieusement, je suis arrivé quasiment aux mêmes conclusions.  Alors, je vous invite à suivre ceci avec intérêt.

dimanche, janvier 7

Industrialiser l'Afrique et MAINTENANT

L’industrialisation du continent, particulièrement celle de la région subsaharienne a reçu peu d’attention dans les politiques de développement. L’économie est restée tributaire de l’agriculture et des matières premières.

De tous les continents, l'Afrique noire reste le seul qui n'ait pas connu un début de réelle industrialisation cinquante ans après son indépendance. En examinant les parts dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale en 2014, on constate que celle de l’Afrique n’était que de 1,6% pendant que la région de l’Asie et du Pacifique avait une part de 44,6%. L’Afrique subsaharienne demeure la région la moins industrialisée du monde avec un seul pays, l’Afrique du Sud, considéré comme industrialisé.   

Selon le modèle de la transition agricole, l’industrialisation peut être comparée au wagon d’un train dont la locomotive est une agriculture prospère capable de générer les ressources, notamment la matière première, le capital, le marché, les devises et la main d’œuvre moins chère dont les industries ont besoin pour leur essor. L’agriculture moderne serait donc le précurseur de l’industrialisation réussie en l’Afrique à travers le transfert d’actifs.   

En effet, on peut observer les liens entre agriculture et industrialisation à travers de multiples expériences de développement économique, récentes ou anciennes. Les travaux d'Arthur Lewis (1954) et Simon Kuznets (1966) sur la transition agricole distinguent quatre voies par lesquelles l’agriculture contribue à l’industrialisation : les produits, les marchés, les devises et les facteurs de production.

L’agriculture fournit la nourriture pour les ruraux et mieux encore, les urbains qui sont pour la plupart des travailleurs du secteur secondaire ainsi que pour tous les citadins ou ruraux engagés dans les activités de service.

Une agriculture productive fournit également de la matière première à l’industrie (agro-industrie), des produits alimentaires bon marché, et réduit ainsi les coûts salariaux, ce qui facilite l’accumulation du capital et l’investissement industriel. Non moins important, le monde rural qui reste dominant dans nos économies constitue des débouchés cruciaux à l’industrie naissante. Dans le même ordre d’idée, l’exportation de produits agricoles est une source majeure de devises pour l’économie et le financement des équipements et technologies dont l’industrie manufacturière a besoin pour prospérer. Enfin, la productivité agricole à travers la modernisation et la mécanisation devrait se traduire par un transfert de la main d’œuvre dans l’industrie.  

Ce schéma correspond au parcours que l’Angleterre (cf. la révolution industrielle britannique au XVIIIe siècle) et les pays émergents de l’Asie (Inde, Chine, Indonésie, etc.) ont suivi pour s’industrialiser. C’est dans une large mesure cette théorie qui a fondé les choix des pays africains pour proclamer l’agriculture comme la priorité absolue.

J’ai passé ces 10 dernières années à travailler intensément pour contribuer à la modernisation de l’agriculture comme source de croissance économique et un gisement d’emplois et d’auto-emplois pour les jeunes et les femmes. Je l’ai fait avec méthode en me basant sur l’approche chaîne de valeur (CdV) qui a la particularité de transcender les clivages secteurs pour se concentrer sur les marchés dans une démarche inclusive.  Différentes entreprises commerciales collaborent en vue de mettre au point et de mettre en marché des produits et des services de façon efficace et efficiente. Les chaînes de valeur permettent aux entreprises de répondre aux besoins du marché en mettant les activités de production, de transformation et de commercialisation en adéquation avec les demandes des consommateurs.

A la différence de la démarche conventionnelle qui s’intéresse à l’entreprise de manière isolée, l’approche CdV se concentre sur l’ensemble ou le système de marché et le modèle économique qui lui assure un avantage compétitif sur les marchés, qu’ils soient domestiques, régionaux ou internationaux. Elle trouve sa force dans la capacité à stimuler la synergie des différents acteurs, qu’ils soient formels ou informels, ruraux ou urbains, quelle que soit leur taille, leurs secteurs et leur localisation géographique. Les résultats en termes de transformation sont édifiants et confirment à suffisance la pertinence de l’approche.

J’ai donc conscience de ce que l’agriculture peut réaliser en matière de développement économique et de réduction de la pauvreté rurale. Cependant, elle ne pourra pas, à elle seule générer suffisamment de capitaux pour alimenter le cercle vertueux de l’industrialisation et du développement du secteur des services. Pour que l’agriculture dégage des surplus pour favoriser l’industrialisation du continent, il faut qu’elle soit rentable, en d’autres termes, que les rendements et la productivité du travail dans l’agriculture augmentent sensiblement. Malheureusement sur ces deux indicateurs, l’Afrique est encore à la peine. L’équation devient encore plus complexe avec les effets du réchauffement de la planète. La réduction annoncée des surfaces cultivables et des rendements est un défi supplémentaire pour le continent, alors même que sa population doit doubler d’ici à 2050.

On peut en déduire que le modèle économique basé sur la transition agricole est inopérant et impertinent pour l’Afrique.  Dès lors, le bon sens commande qu’on change de paradigme : la priorité doit désormais être à l’industrialisation de l’Afrique et nous devons le faire autrement en construisant une économie de l'industrie, intégratrice des petites entreprises de production de biens et services au plan régional tel l’albatros qui déploie ses ailes salvatrices.

Le continent en a les moyens ; d’abord, il dispose d’une population très jeune (la plus jeune de la planète) et d‘une force de travail abondante et sous-employée. La population africaine, en effet, va passer de 1 à 2 milliards de personnes entre 2010 et 2050. En Afrique de l’Ouest comme en Afrique Centrale, les moins de 25 ans représentent déjà 64% de la population, une classe d’âge frappée par un chômage moyen de 60%. Par ailleurs, la classe moyenne émergente est en pleine croissance. Selon les « Perspectives économiques en Afrique » publiées conjointement par la Banque africaine de développement (BAD), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 18 pays africains sur les 54 que compte le continent atteignent désormais un « niveau de développement moyen ou élevé » porté par une classe moyenne estimée à entre 150 et 350 millions de personnes selon les agences. Cette classe moyenne, liée à une forte volonté d’entreprendre et d’épargner et un pouvoir d’achat de plus en plus élevé, devrait croître au cours des dix prochaines années. Cette classe moyenne adopte des réflexes d’achat axés sur les produits qui montrent la fierté d’appartenir à l’Afrique, ce qui renforce le potentiel de croissance du marché pour les produits transformés en Afrique et favorise l’expansion de nouveaux secteurs d’activités comme l’industrie automobile, les télécommunications, le textile, le tourisme culturel, etc.  

Enfin, le continent regorge de ressources naturelles d’ampleur inégalée. En effet, le continent est l’une des zones de la planète les plus riches en matières premières. On y trouve environ 7,5% des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel, 40% des réserves aurifères et entre 80% et 90% du chrome et du platine. Le Nigéria avec une production de 2,4 millions de barils/jour en 2014 se classe loin devant l'Angola dont la production est estimée à 1,7 millions de barils par jour. L'Algérie est leader africain et 9ème au classement mondial pour la production de gaz naturel. Le Botswana à lui seul comptabilise 35% des diamants de l’Afrique et est le deuxième producteur mondial de diamant après la Russie. Il est suivi de près par la République Démocratique du  Congo (RDC) qui détient une part de 34% de la production du continent. En plus du diamant, la RDC possède la troisième plus grosse réserve de cuivre derrière la Zambie et le Zimbabwe qui abrite le deuxième plus gros gisement de platine dans le monde et le plus gros gisement de cuivre sur le continent. Le Niger et la Namibie détiennent environ 90% des ressources d’uranium en Afrique.

L’Afrique du Sud est le plus grand producteur mondial d’or, de chrome, de manganèse, de platine, et le deuxième plus grand producteur de palladium, de rutile et de zirconium. Le Mozambique est un producteur essentiel pour l'aluminum avec environ 32% de l'approvisionnement de l'Afrique. Le Ghana est le deuxième plus grand producteur africain d’or après l’Afrique du Sud, et assure plus de 15% de l’approvisionnement du continent. La Guinée couvre à elle toute seule, près de 95% de la production du continent en bauxite avec environ 25 milliards de tonnes de reserve, soit environ le quart des réserves mondiales. Le Cameroun avec un milliard de tonnes, dispose des 6èmes réverses de bauxite au monde. Le nickel représente environ 23% des exportations malgaches. 

Bien que florissante, cette industrie profite très peu aux populations africaines car les pays africains les plus riches en ressources naturelles sont paradoxalement les plus pauvres du continent, en dehors de certains États qui font figure d’exception. Les pesanteurs sont connues et ont pour noms: la mauvaise gouvernance, l’absence de vision, d’ambition et d’engagement soutenu sur le long terme.  L’industrie minière bien orientée et bien gérée peut générer les capitaux dont l’Afrique a besoin pour financer l’industrialisation du continent. La traction ou l’effet d’entrainement sera d’autant plus grande et la croissance plus partagée que l’Afrique parviendra à construite de véritables chaînes de valeur industrielles régionales.

Une chaîne de valeur industrielle implique une ensemble d’activités et de métiers interconnectés qui concourent à la compétitivité des produits sur les marchés finaux: l’approvisionnement en matières premières brutes, l’approvisionnement en fournitures et autres matières intermédiaires, la première transformation, la 2ème et la 3ème transformation, les négociants, les fournisseurs de technologies, les fournisseurs de logistique et transport, le stockage, le réseau de distributeurs, la Recherche et Développement, les designers, équipementiers, fournisseurs d’emballage, la gestion des standards et des normes de qualité, la certification, les fournisseurs de services financiers. A cela s’ajoutent les Infrastructures de base sans lesquelles aucune industrialisation ne peut être amorcée : l’énergie, les infrastructures de transport et de déserte des marchés (routes, chemin de fer, transport maritime et aérien), les technologies de la communication et de l’information, les compétences et une politique hardie de soutien et d’incitation à l’industrialisation dans le long terme.

Autant d’opportunités viables d’investir et d’entreprendre qui jusqu'ici échappent au continent parce que l’Afrique exporte généreusement ses matières premières, ses emplois et sa croissance au lieu de les valoriser sur place. Ce faisant, le continent alimente le cycle de la dépendance et de la paupérisation systémique de sa population, et plus particulièrement la jeunesse africaine. La conséquence la plus troublante est la chaîne mortifère de la traversée de la Méditerranée qui nous propulse au visage, les images horribles des atrocités et des drames que subissent les africains qui tentent de rallier les côtes italiennes en quête d’un mieux-être que le continent ne peut pas leur offrir.

Pour illustrer la chaîne de valeur régionale, prenons l’exemple du secteur de l’aluminium qui tire sa matière du bauxite. On peut imaginer que la Guinée, le Ghana, le Cameroun, le Mozambique, et l’Afrique du Sud assurent l’approvisionnement de la matière brute et semi-transformée (ayant subi une première transformation) et la gouvernance, notamment le pouvoir et la capacité à exercer une coordination et un contrôle le long de la chaîne en réponse aux mécanismes des marchés. Les autres pays de la sous-région participent au traitement et à la transformation des produits semi-transformés en produits consommables ou dérivés pour divers marchés et industries : les matériaux et accessoires pour l’industrie automobile, les transports, le bâtiment, les infrastructures et ouvrages civils, les énergies renouvelables, la santé, les biens de consommation comme l’électro-ménager. Ces industries à leur tour vont faire émerger dans leurs sillages des équipementiers, des fournisseurs de biens et services spécialisés, les distributeurs, les fournisseurs d’innovation, etc. Les pays de la sous-région avec leurs industries et les entreprises de services constituent tout naturellement des marchés garantis pour la production guinéenne, camérounaise, mozambicaine et sud-africaine. Cette intégration  régionale n’empêche pas les pays fournisseurs de produits semi-transformés de rechercher des débouchés hors de la région pour assurer une utilisation maximale de leurs capacités industrielles. Ce schéma peut tout aussi bien s’appliquer aux industries du cuivre, du diamant, du chrome, de l’or, du platine, sans compter celui de la pétrochimie.

L’exemple de l’aluminium illustre bien l’effet prolifique et démultiplicateur de l’approche régionale du point de vue de la création de valeur et du partage de la croissance. L’industrialisation de l’Afrique basée sur l’intégration des systèmes de marchés régionaux permet d’enclencher le cycle vertueux de croissance et de solidarité.    
          
L’Afrique est un continent d’opportunités. Elle doit prendre conscience de toutes ces opportunités manquées et lancer dès lors, un vaste programme d’industrialisation dans une approche de chaînes de valeur régionales pour créer de la croissance en Afrique et des emplois décents. Ce programme devra concerner tous les secteurs à fort potentiel de croissance et d’impact sur l’emploi des jeunes.

L’agriculture a déjà amorcé le mouvement : on n’oppose plus l’agriculture à l’agro-industrie. On analyse et finance désormais l’agriculture à travers ses chaînes de valeur. L’agro-industrie comme maillon structurant et intégrateur, permet non seulement de transformer les produits de l’agriculture, mais plus important encore, d’intégrer de nombreux métiers en amont (les petits producteurs et autres activités de soutien) et en aval (les distributeurs, les négociants, l’emballage, les transports et la logistique, les laboratoires, etc.). Les entreprises agro-industrielles qui investissent dans la production locale et intègrent les petits producteurs dans leur modèle économique ont besoin d’être soutenues par des incitations diverses parce qu’elles constituent les vrais moteurs de la croissance agricole.  

En revanche, la culture des produits de rente (coton, café, cacao, etc.) échappe au schéma d’industrialisation. Soixante après l’indépendance, l’Afrique continue d’exporter le bois, du coton égrené, des fèves de café de cacao, d’arachide et d’importer les produits à base des matières premières exportés. Il est temps que l’Afrique transforme ses matières premières sur place pour répondre aux besoins des marchés en créant de la valeur en Afrique.  

Les mutations vont à une allure vertigineuse. L’Afrique va constituer un marché de 2 milliards de consommateurs d’ici 2050.  Ce marché sera à la dimension de nos ambitions. Il peut être un marché de consommateurs dépendants de produits importés. Il peut être également structuré comme un marché de production et d’exportation nette de produits de consommation. Le programme d’industrialisation décliné à travers cet article soutient pleinement la deuxième ambition, celle de l’Afrique qui crée de la valeur en Afrique et est compétitive sur les marchés.

Jadis déficiente, la vision de développement de l’Afrique est désormais bien articulée. Pour s’en convaincre, il faut suivre les propos du président ghanéen lors de la visite du président français à Accra en décembre 2017 : http://www.couloirdafrique.com/2017/12/04/ghana-le-discours-du-chef-de-letat-face-aux-president-francais/.

A partir de ce moment, plus rien ne devrait empêcher l’Afrique de lancer de manière concertée son programme d’industrialisation, si ce n’est l’envie et la volonté politique. Cela implique des investissements publics et privés et la discipline collective afin que les ensembles tirent dans le même sens: penser globalement et agir localement. Cela implique de disposer de l'ingénierie d'entreprise, des créateurs et faiseurs de demain, des compétences capables d'innover, d’inventer des nouveaux modèles économiques pour transformer les entreprises manufacturières en succès commerciaux au plan mondial.

Pour ma part, je m’emploie activement à la formation d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs intégrateurs, désireux de transformer les idées innovantes nées de leur passion en solutions ou propositions de valeur pour le bien-être de millions de consommateurs qui les récompensent durablement par leur loyauté.  

Au lieu de subir, l'Afrique doit être conquérante et prendre son destin en main. Elle peut y parvenir en construisant une économie d’industries et d’intégration régionale. Les pays les plus visionnaires et les plus engagés montreront sans doute la voie.