lundi, juin 7

Et si le label de qualité était le sésame

Une question que les développeurs se posent souvent en phase de formulation d'un nouveau programme est par quel bout prendre pour générer des résultats faciles susceptibles d'enclencher la dynamique de succès. Les anglo-saxons appellent ceci le « low hanging fruit » ou le « quick win».


Et si le label de qualité était le sésame ! Actif immatériel, le label de qualité est une proposition de valeur pour le consommateur. Il atteste qu'un produit possède un ensemble de caractéristiques spécifiques établissant un niveau de qualité supérieure à celle d'un produit courant similaire. Il n'a de valeur effective que de par son effectivité ou sa capacité à cristalliser et à satisfaire les attentes du consommateur qui décide de le plébisciter.


Les expériences que nous avons connues dans la région au plan de l'agriculture tendent à en faire un bien public, c'est à dire relevant plus des affaires de l'Etat. Son développement et sa promotion requièrent des moyens qui souvent ne sont pas à la portée des petites entreprises qui le valorisent peu et préfèrent investir dans les valeurs tangibles (machines, équipement, bâtiment, etc.). L'expérience de Madagascar nous invite cependant à une remise en cause de cette approche et démontre que le secteur privé peut valablement investir dans le label pour être plus compétitif sur les marchés et faciliter sur une base commerciale, l'accès durable des petits producteurs dans l'économie formelle et l'amélioration de leur bien-être.


La société privée d'exportation de produits agricoles de Madagascar Faty Export a mis au point et expérimenté dans ses propres exploitations de litchi et d'oignon en 2008 un Référentiel de Développement sous l'appellation Hygiène, Organisation, Restauration de l'Environnement et de Biodiversité (Horeb). Ce référentiel fondé sur une démarche qualité s'appuie sur une analyse des risques, depuis la production jusqu'à la commercialisation et assure la traçabilité des produits selon les exigences des marchés, surtout au niveau régional et international. Pour le litchi par exemple (produit d'exportation de Madagascar), il commence depuis les pieds de litchis, en passant par la cueillette des fruits, le transport et la manutention, la réception et le traitement - conditionnement des fruits.


Le label Horeb est basé sur des indicateurs qui s'articulent autour du Commerce Equitable et Durable, notamment l'amélioration du revenu des agriculteurs et leur bien-être (santé, hygiène, mortalité, etc.), l'augmentation des arbres mis en terre dans le cadre du reboisement et la diminution des arbres abattus, l'accroissement de la demande de produits sous le référentiel Horeb, la hausse des produits aux normes sur le marché local et international.


Grâce au soutien des partenaires techniques et financiers, la société a engagé des actions de promotion du label Horeb à travers la participation aux foires et missions économiques. De son côté, la société a engagé une campagne de sensibilisation en direction des producteurs locaux sur des filières spécifiques et aussi en direction des consommateurs afin de consommer les produits labélisés Horeb.


Le résultat a été immédiat. Le processus a radicalement changé le comportement de tous les acteurs en matière d'hygiène, de sécurité sanitaire et de protection de l'environnement et même de collaboration entre les divers acteurs. Au cours des deux années précédant la mise en place du label, le litchi malgache était classé dans la catégorie du tout venant dans les pays voisins. Les fruits n'étaient pas calibrés et leurs couleurs n'étaient pas identiques. De ce fait, le prix du litchi malgache se vendait très en-dessous de celui de l'Afrique du Sud, soit 50 centimes au lieu d'un euro le kilo. De plus, 5 à 10% du volume exporté était rejeté. Sous l'appellation Horeb, les prix se sont envolés atteignant les niveaux de 3,0 euros le kilo pour les primeurs. De même, l'exportation de l'oignon jadis inexistante a pris de l'envol. Faly Export exporte aujourd'hui vers les Iles Maurice et de la Réunion, l'Afrique du Sud et les Emirats Arabes Unis. Trois entreprises d'importation mauriciennes ont fait confiance à ce référentiel et ont signé des contrats commerciaux de 3.000 tonnes d'oignons avec Faly Export.


Un protocole de production et un accord de partage des bénéfices lient Horeb aux paysans travaillant sous le label. Export Faly s'est engagé à acheter toute leur production. En plus, les paysans qui respectent l'itinéraire technique Horeb peuvent exporter directement sur le marché mauricien, ce qui n'était pas envisageable quelques années plus tôt. L'autre incitation est venue de semences. Grâce à l'aide des partenaires techniques et financiers, la société a acquis des semences améliorées susceptibles d'accroître les rendements et de réduire les pertes après récolte, ce qui en dernier ressort se traduit par une augmentation de revenu pour les petits paysans.


Belle illustration de partenariat public privé (PPP) pour le développement du secteur privé, l'intégration des petits producteurs à l'économie formelle et la prise en charge des problèmes brûlants de sécurité sanitaire des aliments. Un tel projet requiert au préalable la mise en place d'un organisme d'homologation qui généralement manque dans le paysage de l'économie agricole dans notre région.